Dans
une période de profonde mutation des pratiques scientifiques
(engendrant notamment la quasi disparition opérationnelle de certaines
disciplines à forte connotation de 'terrain' comme par exemple
l'ethnologie), il n'est peut être pas inutile d'essayer de sauvegarder
dans une certaine mesure, les acquis encore oubliés de l'Orstom, ceux
qui ont échappé pour différentes raisons aux publications réalisées
tout au long des décennies passées.
Pour ce qui me concerne, et
cela n' étonnera personne, il s'agirait évidemment des acquis en
matière de recherche culturelle (archéologie et ethnoarchéologie,
ethnologie, ethnomusicologie, ethnomuséoiogie, histoire,
ethnolinguistique, étude des traditions et littérature orales, etc.),
capital de connaissances assez exceptionnel patiemment accumulé depuis
les années 1960 en Afrique noire, Pacifique et Amérique du Sud, encore
en partie inédit, qui constitue de fait une part non négligeable de
l'identité culturelle de ces pays.
Bien entendu, ce point de vue général est tout aussi valable pour de
nombreuses autres disciplines de la recherche 'tropica1iste'
(géographie, cartographie, socio-économie, géologie et pédologie,
hydrologie, entomologie médicale, biologie marine, botanique, écologie,
volcanologie, etc.), pratiquées dans le cadre des programmes de
l'Orstom puis de l'IRD.
Cette mémoire documentaire que chaque chercheur senior de l'ancien
Orstom ou du Cnrs a plus ou moins conservée dans ses cantines et les
recoins de sa maison de campagne, dûment classée et 'traitée', pourrait
être mise à la disposition des générations à venir, plutôt que promise
à tenne au tri sélectif de nos services de déchetterie.
Je vois deux étapes dans un tel processus.
D'abord, essayer de maintenir ou susciter une curwsité pour les
patrimoines du Sud (culturels et/ou naturels) dans le public des jeunes
chercheurs, étudiants et enseignants de ces pays - par grandes
sous-régions - par quelques actions spécifiques de valorisation animées
par de petits groupes d'anciens motivés (cf. les actions de
vulgarisation de Georges Charpak ou Yves Coppens dans les domaines de
la physique et de la paléontologie), à l'occasion et en accompagnement
des opérations globales de recherche-développement de l'IRD
d'aujourd'hui, des progrannnes désonnais plus ciblés du moins dans leur
forme.
Cette curiosité provoquée pourrait vraisemblablement induire un
questionnement renouvelé, voire parfois de véritables redécouvertes
documentaires, précieuses pour des jeunes scientifiques. En tout cas,
un dialogue entre les générations de chercheurs.
Une valorisation dynamique de ces acquis devenus dormants au fil du
temps (démarche différente d'un simple legs d'archives brutes, à
vocation historique) et en rappel, des données qui ont quelque peu
vieilli en raison des modes de publication austères d'autrefois -
généralement de forme monographique -, pourrait ainsi être mise en
oeuvre sous la forme d'expositions (photos, ouvrages, posters) et/ou de
CD/DVD, voire de conférences, débats, films documentaires, brochures de
synthèse, à thématique ciblée, en forme de 'bilan' ou 'état des
connaissances' (par exemple, 'Le passé archéologique et historique du
Gabon-Congo', 'Les cultures et les langues traditionnelles de la
Polynésie française', 'Les ressources marines du Pacifique sud',
'Volcans et sociétés en Mélanésie', 'Cartographie d'hier et
d'aujourd'hui des régions tropicales', 'Paléoenvironnements et climats
anciens de l'Afrique tropicale', etc.) , cela dans une perspective
'grand public cultivé'.
Dans
un deuxième temps, si la demande attendue s'en faisait explicitement
sentir à propos de tels ou tels thèmes, ici ou là, les 'anciens'
détenant de tels 'trésors' documentaires et/ou d'expérience
méthodologique pourraient mettre plus directement encore leurs savoirs
et leur documentation personnelle - fruit de décennies d'étude et
de missions de collecte d'informations et d'observations, le plus
souvent incomplètement exploitées et publiées - à la disposition de
leurs cadets du Nord et du Sud (pour 'enrichir' des travaux de thèse
par exemple) ; cela par des produits scientifiques et processus variés,
plus classiques, traitant de sujets 'pointus' dont ils ont été ou sont
encore souvent les référents.
Ces différentes
actions - à définir et organiser selon des priorités raisonnables -
associeraient largement au plan politique des institutions du Nord
(Ird, Cnrs, Ehess, universités, Mnhn, musées nationaux) et du Sud
(universités, centres de recherche, musées, centres culturels) -les
unes et les autres gardant bien sûr l'initiative et le contrôle de
l'exécution scientifique et logistique des projets, en Occident et/ou
dans les pays concernés -, mais au niveau des contenus, feraient
spécifiquement appel à l'expérience 'résiduelle' de spécialistes
honoraires, en complément notable des compétences de chercheurs en
activité.
Comme exemple concret de cette
démarche encore assez atypique dans nos contrées, on peut évoquer le
projet pluridisciplinaire (et multi-organismes) « Sur les traces de Du
Chaillu. Gabon, 1858-1865 », cité ci-dessus, qui mobilise ainsi
amicalement et de façon informelle depuis quelques mois (2003) - à
l'initiative pionnière du Laboratoire 'Dynamique du Langage' de
l'université Lyon-JI, une structure très impliquée dans la coopération
scientifique avec le Gabon notamment - , plusieurs des ces experts
retraités en tant que personnes ressources bénévoles, en renfort des
chercheurs concernés (Lyon-II, Cnrs, ULB Bruxelles, UOB Libreville).
Les
responsables du musée du Quai Branly songent également à ce type de
redécouverte de gisements de connaissances ou expérience 'dormants' -
issus des travaux des nombreux chercheurs de la génération des années
1950-70, la plupart déjà retraités ou sur le départ (Cnrs, Mn1m,
universités, Ehess, Orstom) - pour enrichir sensiblement le contenu de
futures expositions, en soutien des jeunes eonservateurs à l'expérience
de 'terrain' désormais -par la force des choses- très limitée.
A
noter que la faisabilité de tels projets, occasionnels et à l'évidence
collectifs et pluridisciplinaires, dépendrait pour beaucoup de
l'intérêt réel de la direction générale de l'IRD et d'un nombre minimal
'd'anciens' intéressés voire passionnés, à fa fois de compétences
'utiles' et relativement disponibles.
A suivre donc...
2 mars 2011
Une fois encore, hélas, la date de la réunion des AA IRD, 22 mars, ne
peut pas me convenir pour cause de déplacement indispensable à Bordeaux
à l'occasion du vernissage d'une exposition d'art africain à laquelle
j'ai participé (catalogue, etc.- beaucoup d'objets du Gabon et du
Cameroun) : "Arts d'Afrique-Voir l'invisible". Dommage.
Car, tout retraité que je suis, j'ai finalement encore beaucoup
d'occupations liées à ce monde des "arts premiers", tant à domicile
qu'à Paris, Bruxelles et plus loin parfois, J'ai d'ailleurs en chantier
un nouveau bouquin sur les arts Kota du Gabon à paraître en 2012 (5
Continents Editions). Il y aura une signature groupée ("Fang", "Punu"
et "Kota") en juin ou septembre 2012 chez Fischbacher à Paris. Et puis
quelques invitations à des jurys de thèse ici et là. En décembre 2010,
j'étais à Libreville pour une thèse d'anthropologie. Cela me permet de
garder un contact réel avec l'Afrique d'aujourd'hui même si on apprécie
surtout mon "expertise" du Gabon de jadis.
Voilà en fait quelle sont mes quelques actions personnelles de
"valorisation" de mon long parcours de chercheur, envers le public
"cultivé" des musées et envers les communautés universitaires, surtout
celle des pays d'Afrique que j'ai fréquentés (Gabon, Cameroun) mais
aussi Paris1 et Lyon II.